Les conditions d’attribution du contrat de construction et de gestion du futur ministère de la Défense, dans le quartier parisien de Balard, seraient entachées d’irrégularités.

Après le débat sur son coût – 3,5 milliards d’euros en période de crise font forcément grincer des dents – et la controverse autour de sa non-conformité avec le plan local d’urbanisme, le futur ministère de la Défense s’attire désormais les foudres de la justice. Une information judiciaire pour « corruption active et passive », « trafic d’influence » et « atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics » a été ouverte en février dernier par le parquet de Paris. Sont en cause les conditions d’attribution de ce marché titanesque à la société Bouygues Construction. Celle-ci avait devancé ses deux concurrents Eiffage et Vinci en remportant en février dernier l’appel d’offres lancé par le gouvernement, puis en signant trois mois plus tard le contrat pour la construction et la gestion du « Pentagone français », dans le quartier de Balard (15e arrondissement). Mais le géant français du BTP ne se serait pas battu à armes égales.

Selon Le Canard enchaîné, les enquêteurs de la Division nationale des investigations financières (Dnif) ont reçu, en novembre 2010, le témoignage d’un informateur anonyme selon lequel la procédure de passation du marché public serait entachée d’irrégularités. Par la suite, des écoutes téléphoniques effectuées dans le cadre d’une enquête préliminaire menée par le pôle financier du palais de justice de Paris confirmeront ces informations. En février, au moment même où l’Etat confie à Bouygues le contrat de construction du siège d’un de ses principaux ministères régaliens, le parquet ouvre une information judiciaire pour faire la lumière sur les zones d’ombre que comporte le dossier. L’affaire est confiée aux juges Serge Tournaire et Guillaume Daieff. Et ce que les deux magistrats découvrent tout au long de leurs neuf premiers mois d’investigation ressemble tout bonnement à une belle affaire de corruption et de favoritisme.

Selon les premiers éléments de l’enquête, Bouygues aurait eu accès au cahier des charges du marché du futur ministère de la Défense avant ses concurrents. Une situation qui ne les plaçait plus, de fait, sur un pied d’égalité, condition pourtant nécessaire à tout appel d’offres réalisé en bonne et due forme. Si cette information était confirmée, elle pourrait à elle seule remettre en cause l’ensemble du contrat. Pis, la fuite viendrait de l’intérieur même du ministère de la Défense, dont un haut responsable est soupçonné d’avoir transmis les documents secrets à un cadre dirigeant de Bouygues. Un entrepreneur dans le BTP, connu des services de police pour des faits de corruption dans le cadre de dossiers similaires, aurait complété le trio en servant d’intermédiaire. Les noms de ces trois personnes, connus de la justice, n’ont pour le moment pas été divulgués. Si les premiers indices rassemblés par les enquêteurs sont pour le moins troublants, la vérité est peut-être moins évidente qu’il n’y paraît. Aucune mise en examen n’a donc encore été prononcée dans la mesure où la justice avoue ne pas disposer à l’heure actuelle d’éléments déterminants qui prouveraient qu’il s’agit bien d’une affaire de corruption.

« Tout cela est très, très transparent »

De son côté, le gouvernement assure vouloir jouer la carte de la transparence. Gérard Longuet a ainsi déclaré que son ministère « tenait à la disposition du magistrat toutes les informations dont il aura besoin », tout en précisant qu’aucun document n’avait pour l’instant été réclamé par la justice. Le ministre de la Défense a par ailleurs affirmé que cette affaire ne bloquait pas le chantier : « Il doit commencer en février, c’est un chantier important qui est indispensable au fonctionnement nouveau d’un ministère moderne ». Pour Gérard Longuet, le contrat avec Bouygues Construction n’est pour le moment pas remis en cause malgré les soupçons d’irrégularités. Il y a « une façon d’indemniser quelqu’un qui aurait été lésé qui existe dans le droit, c’est la réparation », a-t-il indiqué, rejetant l’idée d’un nouvel appel d’offres. « Ce n’est pas un petit noyau refermé (qui a décidé), c’est neuf groupes de travail, trois ans de travail, 130 personnes. Tout cela est très, très transparent ».

Très discret depuis l’éclatement de l’affaire, Bouygues, joint hier par téléphone, a assuré ne pas avoir été informé de cette procédure. « Nous l’avons apprise hier par voie de presse et nous n’avons pas d’autre commentaire à faire pour le moment », nous a expliqué un porte-parole du groupe. Silence radio également du côté d’Eiffage et de Vinci qui ne souhaitent pas commenter cette décision de justice.

Lancé par Hervé Morin en 2007, le projet de « Pentagone français » s’est concrétisé en février dernier par la signature d’un contrat de partenariat public-privé avec Bouygues Construction d’un montant total de 3,5 milliards d’euros. Les nouveaux bâtiments permettront de regrouper, d’ici 2015, l’ensemble des services centraux du ministère de la Défense dans un seul et même lieu. S’il ne met pas directement d’argent sur la table, l’Etat devra, à partir de 2014 et pour vingt-sept ans, débourser une redevance annuelle de 132 millions d’euros qui englobera les frais de construction, d’entretien et de gestion de cet imposant édifice de 300.000 m2. Les travaux doivent débuter en janvier 2012 pour une livraison à la fin de l’été 2014.

France-Soir, jeudi 8 décembre 2011

Une enquête publique est menée jusqu’au 20 décembre en vue de la construction de ce gratte-ciel de 180 mètres de haut.

Lancée en 2009, l’opération Triangle est entrée depuis quelques jours dans une phase décisive. Une enquête publique sur la révision simplifié du plan local d’urbanisme (PLU) est en effet menée jusqu’au 20 décembre par la mairie de Paris. Elle doit permettre la construction d’un gratte-ciel de 180 mètres de haut le long de l’avenue Ernest Renan, dans l’enceinte même du parc des expositions de la Porte de Versailles (15e arr.). Un chantier de plus de 500 millions d’euros qui ne fait pas l’unanimité dans le quartier.

Afin d’empêcher l’aboutissement de ce projet pharaonique (il s’agirait du plus grand édifice construit dans Paris depuis la tour Montparnasse et ses 210 mètres inaugurés en 1973), un collectif a été créé sous l’impulsion de trois associations locales (ADAHPE, Jeunes parisiens de Paris et Monts 14). Initialement prévue dans la Maison des associations, mais finalement annulée à la dernière minute sur ordre, selon les organisateurs, de « la mairie centrale », une première réunion d’information sur l’enquête publique s’est tenue mercredi dernier dans une salle de la paroisse Saint-Antoine de Padoue, à quelques dizaines de mètres à peine de l’endroit où doit s’élever la tour Triangle d’ici 2017. Pas vraiment la foule des grands jours (une quarantaine de personnes tout au plus), mais une ambiance pour le moins singulière avec un maître de chapelle électrisé par sa croisade anti-bétonnage et une assistance captivée par l’exposé, le tout sous le regard bienveillant du pape Jean-Paul II et d’un Christ en croix.

Bertrand Sauzay, président de l’ADAHPE, s’est employé à torpiller l’un après l’autre les sept points avancés par la mairie de Paris pour démontrer l’intérêt général du projet, seul argument qui pourrait justifier une révision même simplifiée du PLU. Les risques que représente la tour imaginée par le cabinet d’architectes suisses Herzog & De Meuron pour la pérennité du parc des expositions étaient particulièrement visés. Déjà trop petit, celui-ci serait en effet encore amputé de 7.000 m2, prélevé au niveau du hall 1. L’impact visuel de l’édifice, « son architecture emblématique » ou encore son intérêt pour l’animation du quartier ont également été largement critiqués. « Il ne s’agit même pas d’une tour, mais plutôt d’une muraille dont on aurait rogné les deux coins supérieurs », s’exclame un homme dans la salle. Une pyramide de verre et de béton dont le promoteur, Unibail, est également à l’origine du projet de la tour Phare – à La Défense – et de la rénovation des Halles, deux chantiers d’envergure qui ont tous deux fait couler beaucoup d’encre.

Repères

Un projet contesté

180 mètres

Le gratte-ciel imaginé par le cabinet d’architectes suisses Herzog & de Meuron fait 180 mètres de haut et abritera des bureaux. A terme, 5.000 personnes devraient y travailler.

Controverse

Plusieurs aspects du projet sont contestés par un collectif d’associations et certains décideurs politiques, notamment son gigantisme, son coût et son impact négatif sur la pérennité du parc des expositions.

Révision du PLU

Le chantier nécessite une révision du plan local d’urbanisme qui plafonne les constructions à 37 mètres afin de garantir une certaine uniformité à la capitale. Une limite qui avait déjà posé problème pour le futur Pentagone français dont la construction doit prochainement débuter à Balard.

France-Soir, samedi 3 décembre2011

L’île Seguin a accueilli entre 1929 et 1992 la principale usine de la marque au losange.

Symbole de la domination de Renault avant-guerre et de la puissance industrielle française retrouvée au lendemain du second confit mondial, le site de l’île Seguin est resté en activité durant plus de soixante ans. Situé entre Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) et Sèvres, à quelques dizaines de mètres en aval de l’île Saint-Germain, ce lambeau de terre d’à peine douze hectares a vu sortir de son antre la plupart des grands modèles qui ont fait la gloire du constructeur français, de la Juvaquatre à la 4L en passant par la 4CV ou encore la R6. Rien ne prédestinait pourtant ce territoire étroit à devenir la vitrine industrielle et sociale de la marque au losange.

Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, l’île est la propriété de l’abbaye de Saint-Victor qui en loue les terres à des fermiers. Elle est offerte au roi de France en 1757 et prend le nom d’île de Sèvres. Peu de temps avant la Révolution, elle est acquise par la société Riffé qui y installe une blanchisserie avant que la Convention ne l’attribue à Armand Seguin, inventeur d’un nouveau procédé de tannerie. Après la chute de l’Empire, les installations industrielles sont progressivement abandonnées et l’île accueille peintres et activités de loisirs qui attirent la bourgeoisie locale. Plusieurs habitations sont par ailleurs réaménagées ou construites. A la fin du XIXe siècle, les héritiers d’Armand Seguin vendent leurs terres. L’île est divisée en plusieurs parcelles ; une situation qui perdurera jusqu’au rachat progressif des terrains par Louis Renault, à partir de 1919.

Installée à Boulogne-Billancourt (le fameux « Trapèze »), la société Renault Frères n’a en effet eut de cesse de s’agrandir depuis sa création en 1899. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, qui a fait la fortune et la gloire de l’entrepreneur, Louis Renault souhaite donc acquérir l’île Seguin pour y élever une unité de production moderne qui s’inspire de celles construites par Ford ou General Motors outre-Atlantique. Le projet pose néanmoins toute une série de problèmes : les terrains sont directement exposés à une crue décennale de la Seine, le site n’est accessible qu’en bateau (les ponts avaient à l’époque tous disparu) et, surtout, certains propriétaires refusent, dans un premier temps, de vendre leurs biens. Les travaux ne débutent donc qu’en 1928. Il faut surélever et niveler l’île qui est également dotée d’une piste d’essais souterraine afin d’économiser le maximum de place en surface. Les ateliers sont par ailleurs largement protégés des inondations, de même que la centrale électrique, véritable poumon énergétique de l’usine, qui lui permet de fonctionner de manière semi-autonome. Ces aménagements, complétés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, donneront son aspect unique au site, sorte de paquebot de béton et d’acier qui semble comme fendre les eaux de la Seine.

L’usine automobile de l’île Seguin restera longtemps la plus moderne de France, au grand dam de Citroën et de Peugeot, les deux principaux concurrents de Renault. Après des débuts difficiles, du fait de la crise économique de la première moitié des années 1930 (de 30.000 en 1929, le nombres d’ouvriers travaillant sur l’ensemble du site de Boulogne-Billancourt était descendu jusqu’à 22.000 en 1932), la production repart de plus belle jusqu’à la guerre. En 1938, les effectifs atteignent ainsi 38.000 métallos : un record. Utilisé par l’occupant allemand pour la réparation et la construction de véhicules motorisés, le site de l’île Seguin est bombardé à plusieurs reprises par les Alliés en 1942 et en 1943, et lourdement endommagé. En 1944, seuls 14.000 ouvriers travaillent encore chez Renault. Nationalisé pour faits de collaboration, le constructeur automobile est officiellement rebaptisée « Régie nationale des usines Renault ». Une appellation qui est inévitablement liée à l’île Seguin, d’où sortiront certains des plus célèbres modèles de la marque, finalement privatisée en 1996, quatre ans après la fermeture de la chaîne de production de Boulogne-Billancourt.

Porte-drapeau de la marque au losange, l’île Seguin s’est également illustrée comme bastion du syndicalisme, notamment après la victoire du Front populaire aux élections législatives de 1936. Au printemps, une grève oppose les ouvriers à Louis Renault, réputé pour ses méthodes parfois expéditives. Après l’occupation de son usine et l’arrêt de la production, celui-ci cède à certaines revendications des grévistes et une convention collective de la métallurgie est signée. Le calme revient à Boulogne-Billancourt, mais le PCF et la CGT font désormais et pour longtemps partie du paysage. Trente ans plus tard, en mai 1968, les chaînes de production seront bloquées durant trente-trois jours et leurs métallos deviendront les symboles de la participation prolétarienne au mouvement initié par les étudiants.

En soixante ans, des milliers d’ouvriers sont passés par les installations de l’île Seguin, faisant de Renault l’un des principaux employeurs en France. On y était métallo de père en fils. Mais l’exiguïté des lieux et la modernisation des techniques de production ont finalement eu raison de ce site industriel mythique. Le 27 mars 1992, à 11 h 20, la dernière Supercinq sort des chaînes de production de l’île Seguin, mettant un point final à l’une des plus grandes aventures industrielles et syndicales françaises.

France-Soir, vendredi 2 décembre 2011

Après la victoire de sa formation dimanche aux élections législatives, le leader du Partido popular se prépare à administrer une nouvelle cure d’austérité à un pays qui vogue tout droit vers la récession.

Oublié le coup de théâtre de 2004, lorsque le Partido popular (PP), empêtré dans la gestion calamiteuse des attentats islamistes attribués à tort à ETA, avait finalement perdu, en trois jours, des élections législatives qui lui semblaient pourtant largement acquises. Balayée, également, la nouvelle déconfiture de son leader Mariano Rajoy quatre années plus tard face au socialiste et président du gouvernement sortant José Luis Rodriguez Zapatero. Après sept ans de patience et deux défaites de suite, le successeur de José María Aznar à la tête du parti conservateur peut enfin savourer sa victoire et préparer son déménagement prochain au palais de la Moncloa, à Madrid, résidence officielle du président du gouvernement espagnol.

Discret, modéré et peu charismatique, Mariano Rajoy, qui devrait donc être désigné dans les jours qui viennent à la tête du nouveau gouvernement espagnol, est un authentique revenant. Au plus bas après la déculottée de 2008, il avait à l’époque été proprement lynché par les médias conservateurs et plusieurs membres influents de sa formation politique. Solide et tenace, Rajoy avait pourtant réussi à résister aux attaques en attendant des jours meilleurs là où d’autres auraient eu tôt fait de lâcher prise. Un mental en acier trempé qui est peut-être lié à sa passion pour le sport, en particulier le football (il est un supporteur invétéré du Real Madrid), le tennis ou encore le cyclisme. Des disciplines où brillent les athlètes hispaniques, ce qui n’est évidemment pas pour déplaire à ce patriote déclaré dont la stratégie s’est en tout cas avérée payante.

Le paradoxe Rajoy

Après avoir marginalisé ses adversaires au sein du PP, Mariano Rajoy s’est progressivement construit un discours axé uniquement sur l’incapacité du gouvernement Zapatero à gérer la crise, jusqu’à l’imposer dans l’opinion publique comme la seule alternative crédible à une gouvernance socialiste à bout de souffle, épuisée par trois années de crise et cinq millions de chômeurs. Une manœuvre que certains qualifieront de démagogique, mais qui a eu le mérite d’assurer une victoire confortable à son parti. Car si le PP n’avait finalement d’autre issue que de battre des socialistes moribonds, la cote de popularité de son candidat est quant à elle toujours restée inférieure à celle de ses principaux adversaires. C’est le paradoxe Rajoy : gagner sans séduire.

Né le 27 mars 1955 à Saint-Jacques-de-Compostelle, en Galice (nord-ouest de l’Espagne), Mariano Rajoy est issu d’une famille de juristes. Aîné d’une fratrie de quatre enfants élevée dans la plus pure tradition catholique, son destin semble tout tracé : il sera juge, comme son père. Après une scolarité chez les jésuites, le jeune Mariano s’inscrit donc à la faculté de droit de sa ville natale. Après sa licence, il présente le concours de conservateur des hypothèques. A 24 ans, il devient le plus jeune fonctionnaire espagnol à occuper ce poste. Quelques années plus tard, au début des années 1980, Mariano Rajoy adhère à l’Alianza Popular, parti politique créé par d’anciens ministres franquistes à la chute de la dictature militaire. En 1981, il est élu député au parlement de Galice. Il exerce plusieurs mandats locaux durant une dizaine d’années tout en grimpant les échelons au sein de l’Alianza popular qui devient le Partido popular en 1989.

Homme de confiance

Après la victoire du PP aux élections législatives en 1996, José María Aznar, nouveau chef du gouvernement, nomme Mariano Rajoy à la Fonction publique. Jusqu’en 2004, le leader conservateur lui confiera également le maroquin de l’Intérieur, de l’Education nationale ou encore du ministère de la Présidence du gouvernement. En quelques années, ce grand barbu raillé pour son flegme et son manque de dynamisme s’impose alors comme l’homme de confiance de José María Aznar. C’est lui qui monte au créneau lorsqu’il s’agit de défendre la gestion catastrophique de la marée noire du Prestige, en 2002, ou encore l’intervention espagnole en Irak l’année suivante. Un esprit de sacrifice qui sera généreusement récompensé par le président du gouvernement espagnol qui le désigne comme son successeur pour le rendez-vous démocratique de 2004.

A 56 ans, Mariano Rajoy s’apprête donc à prendre en main la destinée de 46 millions d’Espagnols profondément minés par une crise économique et sociale (on y compte aujourd’hui près de 22 % de chômeurs) qui menace de plonger le pays dans les tréfonds de la récession. Et si le chef du PP préfère ne pas faire trop de promesses tout en jouant sur son image de nounours rassurant, il sera lui aussi obligé de dégraisser de tous côtés s’il veut, comme il l’a promis, rembourser rapidement la dette de l’Espagne. Les Indignés n’ont pas fini de s’insurger…

Mariano Rajoy en cinq dates

27 mars 1955 Naissance à Saint-Jacques-de-Compostelle (Galice).

Octobre 1981 Il est élu député au Parlement de Galice.

Mai 1996 Il fait partie du premier gouvernement Aznar en devenant ministre de la Fonction publique.

Mars 2004 Il devient le chef de l’opposition après la défaite du Partido popular aux élections législatives.

Novembre 2011 Après une seconde désillusion en 2008, il devrait prochainement être nommé président du gouvernement après la victoire des conservateurs aux législatives.

France-Soir, lundi 21 novembre 2011

Malgré l’échec de la phase expérimentale, le Conseil de Paris veut remettre à flot Voguéo, un système de transport en commun sur la Seine.

Lancé à titre expérimental en juin 2008 entre Paris et Maisons-Alfort (Val-de-Marne), Voguéo, système de transport en commun sur la Seine et la Marne, a connu un échec commercial retentissant. Les navettes, qui s’arrêtaient au niveau de la gare d’Austerlitz (XIIIème arr.), ne transportaient en moyenne que sept passagers par trajet alors même que les navires disposaient chacun de 76 places. Le 5 juin dernier, après trois années d’activité, le Syndicat des transports d’Ile-de-France (Stif) a donc décidé de mettre un terme au programme, officiellement pour des raisons juridiques.

Après cette déconvenue, la mairie de Paris et le Stif auraient pu se résigner et oublier cette fausse bonne idée qui fait bien sûr penser aux célèbres vaporetti sillonnant quotidiennement Venise (Italie). Ils ne semble toutefois pas avoir tourné la page de Voguéo, le Stif assurant notamment sur le site internet du projet avoir « tiré de nombreux enseignements de l’expérimentation », notamment le fait que « la desserte de Paris apparaît essentielle pour assurer le succès et la pérennité d’une telle offre de transport ».

Le Conseil de Paris vient donc de remettre à flot l’ensemble du programme en projetant d’allonger considérablement l’itinéraire initial. Les navires relieraient dès lors Suresnes (Hauts-de-Seine) à Maison-Alfort et Vitry-sur-Seine avec néanmoins une escale obligatoire à Paris pour changer de bateau. Les trois lignes prévues desserviraient 31 escales, dont une quinzaine dans la capitale. Treize communes seraient concernées par ce projet qui débutera par une phase de concertation menée par le Stif entre janvier et février 2012. Le cahier des charges sera rédigé dans la foulée et permettra de lancer rapidement une délégation de service public qui doit déboucher sur l’attribution du contrat au meilleur candidat dès l’été. Voguéo ne sera cependant pas mis en service avant fin 2013.

L’UMP a fortement remis en cause le financement du projet (25 millions d’euros) qui n’est pour l’instant assuré qu’à hauteur de 10 millions d’euros par le Stif. La fréquence des navettes, limitée à 15 minutes en semaine et 30 minutes le week-end, est également critiquée. Rachida Dati, maire du VIIème arrondissement, a par ailleurs jugé le projet « hasardeux » et estime qu’« il ne palliera pas la fermeture des voies sur berge à la circulation automobile ».

Des navettes sur la Seine

Échec de l’expérimentation

Testé de juin 2008 à juin 2011, le programme Voguéo première mouture a constitué un échec pour ses promoteurs (Stif et mairie de Paris). Ce mode de transport ne semble pas avoir intéressé les voyageurs.

Relance du projet

Le Conseil de Paris a remis Voguéo à flot, en proposant un itinéraire allongé et un nombre plus important d’escales pour un coût total estimé à 25 millions d’euros.

Un peu d’histoire

Les premiers bateaux utilisés à Venise avaient auparavant appartenu à des compagnies de transport fluvial… parisiennes dont la dernière a fermé ses portes en 1934, victime du succès du métro, plus pratique et plus rapide.

France-Soir, mercredi 16 novembre 2011

La création du Conseil d’Alsace sera soumis au feu vert des élus alsaciens le 1er décembre.

Lancé en janvier dernier, le projet de fusion des collectivités locales alsaciennes vient de franchir une étape décisive. Philippe Richert, président du conseil régional d’Alsace, Guy-Dominique Kennel, à la tête du conseil général du Bas-Rhin et Charles Buttner, son homologue haut-rhinois, ont finalement accordé leurs violons. Les trois assemblées seront convoquées de manières exceptionnelle en Congrès le 1er décembre pour débattre de la création d’un Conseil d’Alsace. Si cette proposition est adoptée, elle sera soumise à un référendum local au second semestre 2012 et une nouvelle collectivité locale pourrait voir le jour dès 2014. Une première en France qui devrait donner des idées à d’autres régions où le mille-feuille administratif et politique est de plus en plus remis en question.

Le futur Conseil d’Alsace sera le « fruit de la réunion » des trois collectivités, ont indiqué les présidents alsaciens. Pas question de monter de toutes pièces une nouvelle assemblée. « Deux conseils de territoires à l’échelle de chacun des deux départements » seront créés, mais uniquement pour la première mandature. Strasbourg et Colmar se partageront par ailleurs les sièges de la nouvelle collectivité. Une manière de lui conférer un caractère multipolaire et d’éviter les guéguerres futiles entre les deux départements. Le Conseil d’Alsace pourrait également être doté de compétences élargies, notamment dans le domaine de « l’enseignement des langues », du « logement » et de « la coopération trinationale » avec un renforcement des liens avec l’Allemagne et la Suisse.

France-Soir, mardi 15 novembre 2011

La Cité de l’automobile, à Mulhouse, rend hommage à la voiture française la plus vendue au monde.

Loin devant la Citroën 2CV, son éternelle rivale, la Renault 4 occupe toujours aujourd’hui la première place du classement des automobiles françaises les plus vendues au monde avec plus de 8 millions d’exemplaires produits et écoulés en plus de trente ans. Tout comme sa concurrente de la marque aux chevrons, ce modèle mythique, qui fête cette année ses 50 ans, s’est imposé comme un véhicule populaire, pratique et robuste. En plein boom économique des Trente Glorieuses, il a contribué à faire de la voiture un bien de consommation comme un autre. Posséder une automobile devenait dès lors conforme à une nouvelle normalité qui en faisait un objet de la vie courante.

A l’occasion de cet anniversaire, la Cité de l’automobile, à Mulhouse (Haut-Rhin), rend hommage à cette icône des années 1960 dans le cadre d’une exposition qui ouvre ses portes aujourd’hui. Jusqu’au 16 janvier 2012, les visiteurs pourront ainsi découvrir dix-sept véhicules d’exception qui sont présentés au milieu des joyaux de la célèbre collection Schlumpf, dans un espace de 700 m2 qui leur est intégralement dédié. Six grands thèmes permettent de retracer l’histoire de la 4L (pour Luxe), des premières moutures (Renault 3) aux séries spéciales (la Sixties) en passant par les modèles à vocation utilitaire (la Fourgonnette), ceux utilisés par la gendarmerie nationale ou La Poste et les exemplaires spécialement modifiés pour la compétition (la Monte-Carlo, qui a participé deux fois à ce rallye mythique au début des années 1960). La Renault Bertin, version raccourcie à trois portes, de même que la Saline4Fun, Renault 4 la plus rapide au monde, grâce à son moteur de 280 CV, exhiberont également leurs carrosseries étincelantes.

Une rétrospective haute en couleur qui réjouira curieux et nostalgiques de la « voiture blue-jean » et qui permettra, au-delà de l’aspect purement rétro de cette exposition, de revenir sur la genèse d’une automobile produite dans 28 pays (dont le Chili, le Maroc, l’ex-Yougoslavie ou encore l’Afrique du Sud) et qui est née d’une idée a priori simple : concevoir un véhicule polyvalent, économique, moderne et facile à entretenir. Un objectif pleinement rempli par la 4L dont la carrière est loin d’être terminée puisque plusieurs centaines de milliers d’exemplaires de cette voiture increvable circulent toujours à travers le monde, notamment en France. Un magazine trimestriel lui est d’ailleurs dédié (4L Magazine) et un rallye – le 4L Trophy – a rassemblé environ 1.200 équipages lors de son édition 2011. Un chiffre en constante augmentation depuis la création de l’épreuve.

Une voiture mythique

50 ans de carrière

Lancé en 1956 par Pierre Dreyfus, président de la Régie nationale des usines Renault, le projet de la Renault 4 a débouché sur sa mise en production en août 1961 sur le site de Boulogne-Billancourt. Ce modèle est destiné à concurrencer la 2CV de Citroën.

Polyvalence

Simple, robuste, économique et innovante, la Renault 4 s’est très vite imposée comme le modèle phare des années 1960 et 1970. Très populaire, elle a contribué à faire de l’automobile un objet de la vie courante.

Succès mondial

Jusqu’en 1994 et l’arrêt de la chaîne slovène, 8.135.424 exemplaires de la 4L ont été assemblés dans 28 pays, ce qui en fait la voiture française la plus produite au monde. La 4L est également la troisième voiture la plus vendue dans toute l’histoire de l’automobile.

France-Soir, lundi 14 novembre 2011

Un Lyonnais de 42 ans pense être en possession d’une œuvre du grand peintre hollandais. S’il était authentifié, le tableau, acheté 130 euros l’année dernière lors d’une vente aux enchères, verrait sa cote atteindre plusieurs millions d’euros.

L’histoire semble à première vue incroyable, aberrante, voire grotesque. Elle fleure bon le canular et le déjà-vu. Au cœur de ce mystère, un petit tableau de 23,8 cm sur 18 cm représentant une vieille femme sur un fond très sombre. Son actuel propriétaire, un amateur d’art lyonnais de 42 ans, l’a acquis il y a un an lors d’une vente judiciaire. Mis à prix 80 euros, ce panneau en chêne d’à peine 4 mm d’épaisseur et dont les bords sont biseautés, lui a été cédé pour la modique somme de 130 euros. Une addition salée s’il s’agit d’une croûte ; l’affaire du siècle s’il s’avère que ladite œuvre a pour auteur un peintre reconnu, ce qu’il convient toutefois au préalable de prouver.

L’histoire aurait pu en rester là et le tableau finir oublié dans un débarras ou accroché dans un couloir sombre d’une vielle bâtisse de la capitale des Gaules. Sauf qu’à force de recherches sur les origines de cette œuvre et l’identité du personnage, son acquéreur, qui a souhaité conserver l’anonymat, en est venu à une conclusion audacieuse : il s’agit d’un original de Rembrandt (1606-1669). « J’ai tout d’abord été intrigué par le cachet de cire et le papier écrit en russe » qui sont collés à l’arrière du panneau, nous a-t-il expliqué hier. Deux éléments qui le poussent d’ailleurs à l’époque à acheter l’antiquité qui ne semble pas avoir été expertisée avant sa mise en vente. C’est ensuite le style du tableau qui le fascine. Après s’être plongé dans plusieurs ouvrages, les traits de la vieille femme lui rappellent indubitablement les portraits de la mère de Rembrandt exécutés par le grand maître hollandais au début de sa carrière. Peu à peu, l’idée que le petit rectangle de bois qu’il tient entre les mains puisse avoir été peint par Rembrandt fait son chemin. Et les preuves de l’authenticité espérée de l’œuvre s’accumulent.

Premier indice : le cadre qui entourait l’œuvre. Postérieur au tableau, il porte le nom de Dietrich, célèbre pasticheur allemand de Rembrandt ayant exercé ses talents au XVIIIème siècle. Celui-ci n’aurait cependant jamais réalisé de portrait et aurait eu pour habitude de signer ses copies. Il ne s’agirait donc pas d’une de ses contrefaçons et le tableau lyonnais lui aurait était attribué à la va-vite, ce qui indique toutefois que ses propriétaires de l’époque y avaient déjà vu une parenté avec les réalisations du maître de l’École hollandaise du XVIIème siècle. Deuxième indice : la découverte d’un « R » majuscule quasiment illisible dans le coin inférieur droit de l’œuvre. Des travaux d’expertises menés au mois de juin dernier à L’Atelier du temps passé, à Paris, ont confirmé la présence d’une signature complète. Ils ont également révélé celle de la date 1625 avec le 6 à l’envers, comme avait l’habitude de l’écrire le maître. « Nous avons utilisé la microscopie numérique, la radiographie et les rayons ultra-violets pour traverser les couches de vernis et de peinture ; nous avons essayé de reconstituer l’histoire de cette œuvre », indique Annette Douay. Des analyses dendrochronologiques ont également permis de dater le bois. « Les matériaux correspondent. Il s’agit d’une œuvre ancienne réalisée à l’époque à laquelle vivait Rembrandt. Ce n’est pas une copie. Il s’agit soit d’une œuvre originale, soit d’un faux, mais attention, je ne sais pas qui tenait le pinceau ». Dans l’hypothèse d’un tableau authentique, reste donc à découvrir si la main en question appartenait au maître hollandais ou à un artiste anonyme.

Dans ce domaine, seuls les spécialistes reconnus ont véritablement voix au chapitre. Et si leur travail d’authentification repose sur d’imposants travaux d’analyse, la part de subjectivité de chaque expert n’est pas à négliger. Contacté par le propriétaire du tableau, Ernst van der Wetering, reconnu comme LE spécialiste de Rembrandt, rejette l’hypothèse de l’œuvre originale. « Il fonde son analyse sur des photos de mauvaises qualité et ne l’a même pas examiné », clame le Lyonnais, qui s’est mué depuis quelques mois en Sherlock Holmes de l’art baroque. « Et les autres experts que j’ai contacté refusent de prendre cette responsabilité ». On peut les comprendre : acheté 130 euros, le petit panneau de bois pourrait, une fois griffé Rembrandt, se négocier à plusieurs millions d’euros et pourquoi pas pulvériser l’actuel record de 22,3 millions d’euros détenu par un portrait vendu il y a deux ans à Londres. Difficile de laisser planer le moindre doute lorsque de telles sommes sont en jeu…

Reste deux éléments de taille qui pourraient bien faire changer la donne. « Le cachet de cire, qui désignait le propriétaire du tableau et qui représente un aigle couronné, appartenait au Grand Électeur Frédéric-Guillaume Ier de Brandebourg, qui a vécu à la même époque que Rembrandt », explique le collectionneur amateur. Cet homme aurait offert l’œuvre à son épouse, Louise-Henriette d’Orange-Nassau, fille d’une famille de riches mécènes hollandais grands amateurs d’art. Le service des sceaux du ministère de la Culture, de même qu’une conservatrice au château royal de Varsovie (Pologne), ont respectivement daté le cachet de « la seconde moitié du XVIIème siècle » et « du milieu du XVIIème siècle, entre 1630 et 1650 ». Là encore, les dates correspondent.

Reste à savoir comment la peinture a atterri à Lyon. « Le tableau a été mis en vente au comptoir de Prusse à la fin du XVIIIème siècle », comme semble l’attester le numéro « 162 » qui figure à l’arrière du panneau de bois et plusieurs archives. A moins qu’il ne s’agisse d’un numéro d’inventaire d’une collection privée. « Le texte en russe prouve que l’œuvre était proposée à la vente en Russie, mais elle ne semble jamais y avoir séjourné ». C’est à ce moment-là que l’on perd sa trace dans les archives qui ont été ballotées de successions en héritages, sans parler des innombrables conflits qui ont secoué la région.

En janvier, l’Institut royal du patrimoine artistique de Belgique réalisera une spectrométrie à infrarouges afin de déterminer l’âge exacte du bois et déterminer s’il existe ou non un dessin préparatoire caché derrière les couches de peinture. Une analyse dont les résultats seront décisifs.

France-Soir, mardi 8 novembre 2011

Après le succès de ses romans, l’auteur québécoise Anne Robillard se lance dans la bande dessinée en imaginant le prélude de sa saga.

Après douze tomes volumineux et autant de best-sellers, on pensait la saga des Chevaliers d’émeraude définitivement close. C’était sans compter sur l’intarissable créativité d’Anne Robillard, qui vient de publier le premier volet du prélude de sa célèbre série. Pour proposer une nouvelle approche de ses personnages, l’auteur s’est adjoint les services du dessinateur de BD Tiburce Oger.

« Je ne suis pas une spécialiste de la bande dessinée », concède l’auteur québécoise. « L’idée vient de mon éditeur en France (Michel Lafon, NDLR) et de Casterman. Ils m’ont présenté ce projet, qui m’a tout de suite intéressée ». Mais la romancière pose deux conditions : elle veut écrire des histoires originales, pensées et scénarisées pour ce nouveau support, et, surtout, elle souhaite choisir le dessinateur avec lequel elle va collaborer. « On m’a présenté les travaux de nombreux illustrateurs mais rien ne me plaisait. Alors j’ai moi-même feuilleté plusieurs bandes dessinées dans une bibliothèque. Je suis tombé sur un album de La Forêt, une série dessinée par Tiburce (et scénarisée par l’acteur Vincent Pérez) et j’ai dit que je voulais travailler avec lui ! », badine-t-elle.

Exercice difficile

Dans le premier album de cette trilogie en devenir, Anne Robillard revient sur la quête des membres de la future caste des Chevaliers d’émeraude. « Je voulais raconter ce qui se passe entre les livres », explique l’écrivain de 56 ans, qui répond ainsi aux fortes demandes de sa communauté de lecteurs. « Ils veulent beaucoup de détails, d’explications. Ce sont des passionnés. »

Un univers particulier avec lequel a dû se familiariser Tiburce Oger, plus habitué à sa planche à dessin qu’aux rassemblements d’elfes et de fées. « Je ne connaissais pas du tout Les Chevaliers d’émeraude », avoue le dessinateur depuis sa retraite charentaise. « Ma fille m’en a parlé et ce monde fantastique m’a plu. Il a ensuite fallu se mettre à la page en lisant quelques romans avant de pouvoir commencer mon travail avec Anne. » Les deux auteurs s’entendent à merveille et cela se voit. Si ce premier tome constitue une sorte de mise en bouche – un exercice toujours difficile –, le résultat est convaincant. Servi par les superbes couleurs de Tiburce Oger – un des derniers à travailler « à l’ancienne » sans l’utilisation de l’outil informatique –, ces Chevaliers séduisent par leur rythme soutenu auquel il ne manque peut-être qu’une touche de fluidité. « Les Chevaliers d’émeraude sont dans ma tête, c’est comme si je les connaissais. Et j’ai l’impression que Tiburce voit ce que je vois. Je n’ai donc rien à redire. Tout est parfait ! »

Tiré à 100.000 exemplaires, le premier chapitre de cette trilogie est entré dans le classement Ipsos/Livres Hebdo des meilleures ventes de livres dès sa première semaine d’exploitation. Un second triptyque est d’ores et déjà sur les rails et un troisième en préparation. De quoi satisfaire l’appétit insatiable des fans des Chevaliers d’émeraude.

France-Soir, jeudi 29 septembre 2011

Trois ans après son inauguration, le Stade des Alpes fait les frais de la relégation du Grenoble Foot 38 en cinquième division. Pour limiter l’hémorragie financière, sa gestion sera prochainement confiée à une société privée.

Qu’elle est loin l’euphorie de la montée en Ligue 1 ! En mai 2008, quatre ans après son rachat par la multinationale japonaise Index Corporation, le Grenoble Foot 38 avait rejoint l’élite du ballon rond au terme d’un match nul contre Châteauroux. Les supporteurs isérois attendaient cela depuis 45 ans et le dernier séjour de leur équipe en D1. Trois ans plus tard, la joie a cédé la place à l’abattement. Couvert de dettes, le club a déposé le bilan en juillet avant d’être relégué administrativement en CFA2. Une spirale infernale qui fait indubitablement penser à celle du Racing Club de Strasbourg qui évolue lui aussi en cinquième division suite à d’insolubles problèmes financiers.

Redevenu un modeste club amateur, le GF 38 n’attire aujourd’hui plus vraiment les foules. Avec moins de 2.000 spectateurs par match en moyenne depuis le début de la saison, les tribunes du Stade des Alpes restent désespérément vides. Un comble pour cette enceinte à la pointe de la modernité qui avait été inaugurée en grande pompe en février 2008. D’une capacité de 20.068 places (avec une possibilité d’extension à 28.000), elle était prévue pour accueillir de prestigieuses affiches du Championnat de France et pourquoi pas des rencontres européennes. Un rêve qui n’aura duré que deux ans avant la descente du club en Ligue 2 au terme de la saison 2009-2010.

Que faire alors de cet équipement dernier cri conçu par le cabinet d’architecture Chaix & Morel et associés ? Car si le Stade des Alpes allie élégance et écologie en plein centre-ville (il a été construit en bordure du parc Paul-Mistral), il a toutefois au moins un défaut : son prix. Surmonté d’une verrière supportant 1.000 m2 de panneau photovoltaïques qui permettent de produire 72.000 kWh/an, cet équipement a en effet coûté la bagatelle de 78,5 millions d’euros aux frais du contribuable. Pour son financement, Grenoble Alpes Métropole (la Métro), présidée à l’époque par le socialiste Didier Migaud, actuel président de la Cour des comptes, avait opté pour un emprunt indexé sur le cours du franc suisse. Un choix qui s’est révélé peu judicieux dans la mesure où celui-ci s’est envolé ces derniers mois du fait de la crise et du statut de valeur refuge que s’est vu décerner la monnaie helvétique. Le taux d’intérêt de cet emprunt a ainsi atteint 18 % cet été, transformant l’opération en Berezina financière. « Nous sommes en train de le renégocier », indique Christophe Ferrari, vice-président chargé des finances à la Métro. Mais le mal est fait et les comptes de la communauté d’agglomération devraient en souffrir encore longtemps. D’autant que les frais de fonctionnement du stade ne font qu’empirer les choses. Malgré la redevance de 718.000 € payée l’année dernière par le GF 38, ce dernier affichait encore une perte sèche de 520.000 €. Avec la relégation du club en CFA2, la redevance devrait encore être revue à la baisse, grevant une fois de plus les recettes de la Métro. Un cercle vicieux duquel celle-ci souhaite désormais s’extirper afin de limiter la casse.

Réagissant à cette situation préoccupante, elle tente en effet de trouver un nouveau débouché à ce stade qui s’est transformé en véritable gouffre financier. Pour ce faire, elle a lancé il y a une semaine un appel d’offres visant à confier la gestion et l’exploitation de l’enceinte sportive à une société privée par le biais d’une délégation de service public. Objectif : en faire un équipement polyvalent capable d’accueillir des événements sportifs, mais également des concerts ou des spectacles. « Nous avons considéré que ce n’était pas à la communauté d’agglomération de faire cela car nous ne pouvons pas agir assez rapidement. D’où l’idée d’une gestion privée qui offre plus de souplesse et plus de réactivité », explique Joris Benelle, directeur de pilotage à la Métro, en charge du dossier de la délégation de service public du Stade des Alpes, qui précise que le projet est sur les rails depuis environ un an. « Nous savons que nous avons un très bel équipement situé en plein cœur de la ville et tout à fait pertinent pour de grands spectacles. » La procédure, on ne peut plus classique, sera conduite jusqu’au 3 novembre prochain, date à laquelle le dépôt des candidatures sera clos. Le cahier des charges sera ensuite transmis à tous les postulants qui devront répondre dans un délai de trois mois. « Nous envisageons une ouverture des négociations avec les entreprises pour le mois d’avril et une signature du contrat au mois de septembre. » D’ici là, le Stade des Alpes devrait encore plomber les comptes de la communauté d’agglomération de Grenoble.

Un stade maudit ? 

Construit en bordure du parc Paul-Mistral, en plein cœur de Grenoble (Isère), le Stade des Alpes n’a jamais fait l’unanimité. Le choix du site a très vite été contesté, notamment du fait de l’emprise au sol importante du futur équipement dans une ville polluée où les espaces verts font cruellement défaut. Durant l’hiver 2003, une trentaine de jeunes « éco-citoyens » s’étaient d’ailleurs installés dans des cabanes aménagées dans des arbres menacés par le chantier. Une occupation inédite qui avait tout de même duré trois mois. Evacués par les forces de l’ordre, ces opposants ont ensuite bloqué l’avancée de la construction du stade par de multiples recours contre le permis de construire. Si le début des travaux a ainsi été retardé de deux années supplémentaires, le bras de fer entre les anti-stade et la Métro n’aura finalement pas débouché sur une suspension du chantier.

Autre sujet sensible, le budget alloué à la construction de cet équipement ultramoderne. Dès la présentation du projet définitif en février 2003, les coûts (initialement évalués entre 20 et 30 millions d’euros) passent à 55 millions d’euros. La facture s’allongera finalement encore de plus de 20 millions d’euros, sans compter les frais d’exploitation systématiquement déficitaires depuis l’inauguration de l’enceinte, en février 2008. La relégation du GF 38 en CFA2 n’a fait que renforcer l’amertume des opposants au stade dans la mesure où l’une des justifications données pour la construction de cet équipement était son absolue nécessité à la remontée du club dans l’élite du football français. Un objectif atteint en 2008, seule véritable année de réjouissances pour le Stade des Alpes qui aura connu en quelques mois ses deux moments fastes avant une irrémédiable descente aux enfers.

France-Soir, mardi 27 septembre 2011