Alors que le nouveau film de Tim Burton sort aujourd’hui au cinéma, zoom sur Alice au pays des merveilles, un magnifique roman graphique qui tranche radicalement avec l’image gentillette que l’on attribue généralement à l’œuvre de Lewis Carroll tout en lui restant très fidèle.

Attention, OVNI ! Oubliée la petite fille blonde créée par les studios Disney. Balayé le monde coloré et sucré que cette Alice découvre au fur et à mesure de son périple imaginaire. Si David Chauvel (Le Casse, Arthur ou encore Black Mary) a voulu rester le plus fidèle possible à l’œuvre génialement précoce de Lewis Carroll, l’univers totalement gothique imaginé par son acolyte Xavier Collette est troublant et risque même (malheureusement) d’en rebuter plus d’un. Le dessinateur bouscule d’un coup de pinceau l’image surannée d’une Alice parfaite en tous points – avec sa silhouette filiforme et sa chevelure d’or – pour nous livrer celle, peut-être encore plus attachante, d’une gamine ordinaire qui s’ennuie, tout simplement, et qui souhaite rompre avec la léthargie qui semble lentement la gagner.

Baroque, cette vision d’une Alice sombre et énigmatique semble finalement retranscrire plus fidèlement l’état d’esprit de la fillette tel que Carroll lui-même l’imaginait. S’éloignant très peu de l’histoire originelle, David Chauvel a tout de même dû se résigner à y faire des coupes claires sans pour autant dénaturer l’histoire ou interférer dans son déroulé. Et page après page, ce découpage heureux, couplé au remarquable travail de Xavier Collette, emporte le lecteur toujours plus loin dans un autre monde, un univers magique où vivent, entre autres, un lapin malin et une reine tyrannique. Des couleurs froides et brumeuses, des personnages racés à l’humour acerbe. Un univers très burtonien finalement, la folie hystérique en moins.

Alice au pays des merveilles, Chauvel et Collette, Drugstore, 72 p., 15 €

Philippe Peter

francesoir.fr